Voila la première de mes « mini-autobiographies », c’est une écrivaine… j’espère que ca va vous plaire !  
Naï

« Longtemps, j’ai pris ma plume pour une épée. »

-Sartre
      J’écris.
            Partout, tout le temps, j’écris. Sur des carnets de notes, sur les murs, sur mes bras, mes mains, mes doigts, j’écris. Les mots me viennent spontanément, rien ne peut les arrêter. Je ne peux pas les garder pour moi. Ils doivent sortir, s’envoler, être vus, lus, reconnus. Ils jaillissent dans ma tête comme un rayon de soleil aveuglant. Je ne vois plus, je n’entends plus, plus rien ne fonctionne en moi tant que je ne me suis pas libérée de ces mots qui paralysent tous mes sens. Alors je prends ma plume et j’écris. Je respire enfin. La vie peut continuer. Jusqu'à ce qu’une nouvelle idée me vienne. Alors ça recommence, et ça ne s’arrête jamais.
            Ici, parler est interdit. Ça peut vous attirer des ennuis, beaucoup d’ennuis. Les idées doivent rester enfermées dans nos têtes comme dans un cachot. Elles ne peuvent pas être ouvertement exprimées. Pourquoi ? « Provocation », jugement, insultes. Voilà pourquoi. « En plus c’est une femme ». Oui, je suis une femme. Une femme n’a-t-elle pas le droit d’émettre un avis sur des choses sérieuses ? Non, elle doit se limiter aux habits, sacs, chaussures ; elle doit s’occuper des enfants, les porter, les nourrir, mais en aucun cas faire de choix concernant leur éducation ; elle doit être aux petits soins pour son mari, se faire belle pour lui plaire, lui obéir, mais en aucun cas lui demander quoi que ce soit. Je ne peux rien dire : ici, parler est interdit. Alors, j’écris.
            Mes proches me demandent d’arrêter, ou de partir, de m’enfuir, m’exiler. Mais je reste. Ici, c’est mon pays. « Tu ne changeras pas le monde. » Je ne perds rien à essayer. On m’a souvent insultée, menacée, même parfois agressée, mais rien ne m’arrête. Au contraire, cela me rend encore plus déterminée. A chaque fois, je reprends ma plume et j’écris, encore et encore. Je n’ai plus peur de rien. On me dit que je suis folle, inconsciente du danger dans lequel je me mets. Je réponds que je n’ai pas le choix. Si, j’ai le choix, dit-on. Le choix, quel choix ! Vivre dans la misère, écrasée par un gouvernement et une société corrompus, ou mettre ma vie en péril pour dénoncer toutes ces pratiques qui me dégoûtent. Qu’ils me tuent s’ils en ressentent le besoin. Peut-être alors ma voix sera-t-elle entendue. Peut-être alors mes semblables se manifesteront-ils. Mes semblables, des gens opprimés qui, comme moi, en ont ras le bol. Ils existent, je le sais, ils sont partout autour de moi, dans les rues, dans les immeubles à moitié détruits, dans les voitures, partout. Mais ils ont peur. Peur de quoi ? Pourquoi avoir peur ? Qu’avons-nous à perdre ? Notre vie misérable en vaut-elle la peine ? Si c’est pour assurer une meilleure vie et un futur libre et heureux à mes enfants, je suis prête à y renoncer. Plus rien ne me retient ici à part ce besoin incontrôlable d’écrire.
            Partout on me lit, on s’extasie sur ma ferveur et mon style. Partout, on s’étonne que je sois encore en vie. On m’invite sur des plateaux de télévision où les mêmes questions reviennent sans cesse : comment je parviens à publier mes écrits ici, si je n’ai pas peur, pourquoi ne pas m’en aller… Je me suis exilée pendant un temps, mais l’exil n’était pas pour moi. Je suis trop attachée à mon pays. Oui, je suis consciente du paradoxe, comment puis-je prétendre être attachée à ce pays que je condamne sans arrêt ? Je le condamne parce que je l’aime. Je ne désire rien plus que de voir ce pays se relever, se libérer du règne de la corruption et enfin, enfin pouvoir se développer et aller de l’avant. Je ne dis pas que cela sera simple, loin de là, mais tous ensemble, nous pouvons le réaliser, et c’est là que j’interviens. Je voudrais ouvrir les yeux à mes compatriotes, leur montrer que, main dans la main, nous pourrons changer les choses.
            Lorsque ce jour arrivera, alors peut-être ma vie aura servi à quelque chose. 

Bonjour/soir!
Je travaille sur une série de “mini-autobiographies” fictives de femmes dans le monde arabe. La première sera en ligne bientôt J
Naï 

                À mes grands-pères. EA[3/05/12] NS[18/09/12]. RIP…
Naï

Je pensais que ça ferait affreusement mal. Que je serais incapable de me lever pendant des jours. Que j’aurais sans arrêt envie de pleurer. Mais non. Je ne sens plus rien. Mon corps est vide, je ne pense à rien. Je ne pleure même pas. Je dois avoir épuisé ma réserve de larmes ces derniers mois. Je ne ressens rien, qu’un immense vide tout au fond de moi… 

Voila, cette nouvelle est finie ! Le style est un peu différent de mes autres écrits, j’espere que ca va vous plaire !
Naï 



Non. C’est impossible, elle ne peut pas… Si ? Elle baisse les yeux, regarde ses mains pour constater qu’elles baignent dans un liquide rouge et visqueux. Du sang. Elle sent la panique la gagner. Que faire ? Rester calme, surtout rester calme, respirer, ne pas crier, ne pas faire de bruit. Essayer de comprendre d’abord, pourquoi…comment ? La pièce commence à vaciller autour d’elle, les murs, le sol, tout se confond. Elle doit se ressaisir. Rester calme, respirer, ne pas bouger…réfléchir. Elle n’y croit pas, c’est impossible…mais vrai pourtant. Elle fixe toujours ses mains, incrédule. Comment ? Comment ont-elles pu ? Déplacer le corps, vite ! Mais où ? Réfléchis, réfléchis ! Mais oui ! Comment n’y a-t-elle pas pensé plus tôt ? Discrètement, sans faire de bruit, sans attirer l’attention. Et voila, c’est fini. Retrouver son calme et remonter maintenant, sans rien laisser paraître. « T’aurais pas vu Mélanie ? » Non, non elle ne l’a pas vue, Mélanie est introuvable, elle a du rentrer chez elle. Mais elle sait bien que ce n’est pas vrai. Mélanie n’est pas rentrée chez elle. Elle ne rentrera plus jamais chez elle… Elle ne se sent pas la force de supporter le reste de la soirée. Elle doit sortir d’ici, partir, s’enfuir, aller n’importe où mais s’éloigner de là. Mais elle ne peut pas, ils verront tout de suite que quelque chose ne va pas. Alors elle feint un malaise et rentre chez elle…
Elle ouvre les yeux. Elle est dans son lit, il fait noir, son cœur bat très fort, elle est en sueur. Tous les événements de la soirée lui reviennent. Un mauvais rêve, ce n’était qu’un mauvais rêve. Ses yeux se sont habitués à l’obscurité qui règne dans sa chambre. Elle regarde autour d’elle et son regard tombe sur une pile de vêtements sales. C’était donc vrai… Non, elle n’a pas rêvé. Elle a froid, elle tremble, elle essaye de se rendormir mais c’est impossible : à peine a-t-elle fermé les yeux que les images de la veille reviennent la hanter. Elle revoit ses mains trempées de sang. Ses mains incontrôlables qui attrapent sauvagement Mélanie par les épaules et la jettent contre le mur. Elle contemple ces mains, ses pires ennemies désormais. Grandes, osseuses, de vraies mains de criminelle. Elles la dégoûtent. Elle veut se lever mais elle est prise de vertige. Elle a un mal de crâne terrible. Elle prend appui sur la première chose qu’elle trouve pour éviter de justesse une chute qui aurait été douloureuse. Elle sort enfin de sa chambre. Le soleil se lève à peine, tout le monde est encore endormi. Tant mieux. Que faire maintenant ? Elle ne le sait pas. En sentant les murs de sa chambre se refermer sur elle comme une prison, elle en est sortie. Et maintenant ? Elle déambule dans la maison, sans penser à rien, sans but précis. Elle veut oublier, juste oublier. Effacer cette nuit fatale de sa mémoire, revenir en arrière. Mais elle ne peut pas, c’est impossible. Elle ne peut même pas réparer son erreur. C’est trop tard maintenant. Elle cherche à s’occuper, mais par quel moyen, dans une maison vide, aux premières lueurs de l’aube ? Elle allume la télé et tombe sur un film, une histoire de meurtre. Elle l’éteint à la hâte et remonte dans sa chambre. Essayer de se rendormir ? Lire ? Ecouter de la musique ? Non, non, non. Elle attend. Quoi exactement ? Elle ne le sait pas, juste attendre.
Elle est à la table du petit-déjeuner avec ses parents quand le téléphone sonne. Sa mère répond. C’est le père de Mélanie. Elle tente d’avoir l’air étonné en apprenant que Mélanie n’est pas rentrée chez elle après la soirée de la veille. Elle n’a plus faim. Elle pense à son acte de haine, à cette violence incontrôlable qui s’est emparée d’elle, à ses mains étrangères au reste de son corps. Elle essaye de comprendre, pourquoi ? Elle n’a pas pu se contrôler, ses mains sont parties toutes seules, ce n’est pas de sa faute…si ? Si c’est de sa faute, elle est coupable. Coupable de s’être laissée aller à la colère, de n’avoir pas su modérer cette haine qui s’est emparée d’elle. Coupable. Elle se pose toutes sortes de questions, elle n’est plus sûre de rien… si : elle a tué Mélanie. Pendant combien de temps encore va-t-elle être capable de cacher sa culpabilité ? Douze heures ? Vingt-quatre ? Deux jours dans le meilleur des cas. « Tu vas bien ? » Elle entend un « oui » sortir de sa bouche alors que sa tête répond « Non, non maman je ne vais pas bien, pas bien du tout. J’ai tué Mélanie, voila, je l’ai tuée. » Heureusement, elle se retient et ne révèle pas son secret. Elle se force à manger et remonte dans sa chambre.
Anna l’appelle, elle l’invite chez elle. Elle n’a pas particulièrement envie de voir qui que ce soit après les événements de la veille, mais elle accepte, elle pense que passer du temps avec sa meilleure amie pourrait l’aider à oublier pendant un temps. Avec Anna, elles parlent de l’été qui commence, critiquent les tenues des autres filles à la soirée, commentent les couples qui se forment, ceux qui se dissolvent… leurs sujets habituels. Elles en arrivent finalement à Mélanie. « Ou crois-tu qu’elle soit ? »  Anna, si seulement tu savais. « Aucune idée… » Elle est soudain prise d’un besoin d’utiliser les toilettes. A peine est-elle entrée dans la pièce qu’une forte nausée s’empare d’elle. C’est ici. C’est dans cette pièce-même qu’elle a tué Mélanie. Elle revit toute la scène.
Ses mains s’emparent de sa victime, se resserrent autour de son cou et la jettent contre le mur. Mélanie la regarde sans même avoir le temps de réaliser ce qui lui arrive pour appeler à l’aide. Elle la supplie en silence, implore sa pitié avec les yeux dans lesquels elle peut tout lire : la panique, la peur, la détresse. Rien n’y fait. Elle est incapable de se libérer de cette rage qui la pousse à agir. Elle regarde le mur taché de sang, baisse les yeux vers  Mélanie et… Non…
NON !!!!! Aussi vite que ses jambes encore flageolantes le lui permettent, elle sort de la salle de bains et rejoint son amie dans sa chambre. « Tu es toute pale, tout va bien ? » Oui, tout va bien, ce n’est qu’un petit malaise sans importance. Anna lui demande si elle se souvient de cette maison de poupées avec laquelle elles adoraient jouer quelques années plus tôt. « Comment pourrais-je l’oublier ? On passait des journées entières à jouer avec ! » Elle sait qu’elle s’en est débarrassée avec un tas d’autres jouets d’enfants, mais elle est sûre de ne pas l’avoir jetée. « Je dois encore l’avoir quelque part dans la maison… » Elle réfléchit un peu… « A la cave ! » PAS LA CAVE ! Elle doit agir vite, Anna est sur le point d’aller chercher sa vieille maison de poupées à la cave et il faut absolument éviter cela. Mais comment ? Elle n’est pas sûre d’être capable d’assumer la tache, mais elle propose malgré tout d’aller la chercher seule. « Je sais que tu détestes descendre à la cave, reste là, je vais la chercher. » Alors commence la descente aux enfers. Plus elle avance dans l’escalier, plus elle sent les battements de son cœur s’accélérer. Elle ouvre lentement la porte et une odeur nauséabonde de renfermé et d’autre chose, qu’elle a du mal à identifier, la prend à plein nez. Le cadavre. Un peu hésitante, elle entre dans la pièce obscure pour la trouver telle qu’elle l’a laissée la veille.
Elle enveloppe le cadavre dans une serviette, sort par la petite fenêtre de la salle de bains et, le corps de Mélanie sur le dos, descend en s’accrochant au lierre qui recouvre la façade. Elle a chaud, elle sue, ses mains glissent. Elle a du mal à ne pas lâcher prise. Elle sang le sang encore chaud de sa victime qui coule sur son propre corps. À plusieurs reprises, elle se sent perdre le contrôle, mais se ressaisit. Elle se dirige le plus vite possible vers l’arrière de la maison, en espérant ne pas être vue. Heureusement, ce côté est complètement désert : à cause de la chaleur, tout le monde est resté à l’intérieur. Cette chaleur justement, elle la ressent plus que quiconque en ce moment. Elle n’a jamais eu aussi chaud, ne s’est jamais sentie aussi lourde. Elle a du mal à avancer, le corps de Mélanie est pesant. Elle est essoufflée et doit s’arrêter à plusieurs reprises pour reprendre son souffle et ne pas tomber. Son long périple de la salle de bain au garage prend enfin fin.  Elle ouvre la porte le plus discrètement possible, descend l’escalier qui mène à la cave, abandonnée depuis plusieurs années, pousse la porte qu’elle sait toujours ouverte et jette son fardeau dans la pièce. Une fois débarrassée de ce poids, elle effectue le chemin inverse, non sans quelques péripéties, pour effacer toutes les traces qu’elle aurait laissées, nettoyer la salle de bains, laver le sang qui a coulé sur elle et rentrer chez elle, pour pouvoir enfin se laisser aller à son remords.
Une fois ses esprits retrouvés, elle prend le jouet et remonte. Elle passe le reste de la journée au calme, plongée dans ses souvenirs d’enfance avec Anna et rentre chez elle en fin d’après-midi. Elle a survécu au premier jour, elle a réussi à garder son secret et à cacher sa culpabilité. Elle en est soulagée. Maintenant, pense-t-elle, le plus dur est passé.
Les jours passent, on commence à s’inquiéter pour Mélanie qui ne réapparaît pas. Toutes les possibilités sont envisagées : fugue, accident,… Ses parents essayent de se rappeler, est-il arrivé quoi que ce soit qui aurait pu la pousser à partir ? Une dispute ? Un événement quelconque qu’elle aurait pris trop à cœur ? Non, ils ne trouvent rien. La police s’y met bientôt. Tous les invités de la fameuse soirée sont interrogés. Quand son tour vient, elle réussit à camoufler son angoisse et à garder son calme. Bientôt, la police, toujours sans aucune piste, abandonne l’affaire, ce qui, bien entendu, déplaît aux parents. On leur dit que c’est une adolescente, qu’elle a probablement fugué, que c’est de son âge et qu’elle les contactera sans doute bientôt. Elle fait tout son possible pour garder un train de vie normal, mais elle n’y arrive pas, elle se renferme petit à petit sur elle-même, voit de moins en moins ses amis. L’été se termine, peu après la rentrée, ses anciens amis critiquent son isolement et lui reprochent d’être devenue hostile. Ces remarques ravivent en elle le souvenir de la nuit fatale.
 Elle est installée sur le canapé du salon à côté Mélanie, elles regardent Anna qui sociabilise, se déplace d’un groupe à l’autre et fait la conversation à tout le monde à la fois. Mélanie, qui ne la connait pas depuis aussi longtemps qu’elle, fait des commentaires admiratifs sur la grâce de leur amie. Cette grâce, elle ne la remarque même plus, en douze ans d’amitié, elle a eu le temps de s’y faire. « Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi jaloux que toi. C’est ta meilleure amie ! » Elle préfère ne pas répondre. Elle n’a jamais été quelqu’un de particulièrement sociable et elle se rend compte de la chance qu’elle a d’avoir Anna pour amie. Au contraire, elle  n’apprécie pas beaucoup Mélanie et ne comprend pas pourquoi son amie s’est tellement rapprochée d’elle cette dernière année, mais elle fait des efforts, pour Anna. Elle monte aux toilettes. Soudain, la porte s’ouvre d’un coup et Mélanie entre. « Je sais ce que tu penses de moi. Tu es verte de jalousie. Tu sais que tu n’as qu’Anna, les autres ne t’acceptent que grâce à elle. Tu as de la chance, elle t’est fidele, votre longue amitié est sacrée à ses yeux. Mais ne te fais pas d’illusions, tu vois combien nous sommes proches, bientôt, elle ne te regardera même plus. Et alors, tu n’auras PERSONNE. » Qu’elle se taise, qu’elle se taise !!! Mais Mélanie ne se tait pas, elle continue à la provoquer. Elle est alors prise d’une force incontrôlable qui la propulse vers son interlocutrice, ses mains s’emparent de sa victime, se resserrent autour de son cou et la jettent contre le mur…
Elle ne veut pas se rappeler. Elle court sans savoir où elle va. L’important est de s’enfuir, s’éloigner d’ici. Aller n’importe où mais partir. Elle dépasse la maison de Mélanie, celle d’Anna, la sienne. Elle sort de sa rue, puis de son quartier. Elle est infatigable. Elle sort bientôt de la ville pour aller s’égarer dans un petit bois. Là-bas, elle se laisse tomber par terre et s’abandonne enfin à la fatigue, au chagrin et au remords qui la rongent depuis cette fameuse nuit. Les larmes coulent sur ses joues sans qu’elle ne les retienne. Ici, personne ne peut la voir, elle se sent enfin en sécurité. Loin de ses parents, de ceux de Mélanie, d’Anna et des autres, mais surtout, loin de Mélanie. Elle ne voit plus rien, n’entend plus rien, ne sent plus rien. Au bout de plusieurs heures, lorsque, fatiguée de pleurer, elle lève enfin la tète, elle se rend compte qu’elle n’est pas seule. Le frère de Mélanie se tient debout face à elle. « Je sais ce que tu as fait… »

Désolée pour le manque de mises à jour, mais je travaille en ce moment sur une nouvelle que je publierai des qu’elle sera finie… :)
Naï 


            [...] Nous arrivâmes au salon à quinze heures quarante et je me séparai de mon père en lui promettant de lui téléphoner quand j’aurais fini. Je me dirigeai vers la cafeteria pour voir si Sophie y était déjà. Ne la trouvant pas, je décidai de flâner un peu entre les livres pour lui laisser le temps d’arriver. Quand j’y retournai, une dizaine de minutes plus tard, je la vis assise à une table, seule. Alors que j’allais vers elle, elle m’aperçut et me sourit, je lui fis un signe de la main. En arrivant a sa hauteur, je lui dis : « Bonjour, ça va ?
-Très bien, et toi comment vas-tu ?
-Tout va bien, merci…J’adore l’ambiance ici ! Je me sens tellement bien entourée de tous ces livres…
-Moi aussi ! Depuis ma plus tendre enfance je baigne dans le monde des livres et je ne m’en lasse pas !
-Ah oui, votre père est éditeur si je ne me trompe pas…
-Non, tu ne te trompes pas, et tu peux me tutoyer ! J’ai toujours vécu à Paris, pas loin de Saint-Germain-des-Prés. Les maisons d’éditions, les librairies, les cafés littéraires, tout ça fait partie de mon quotidien.
-J’ai toujours rêvé de visiter Paris et le monde littéraire. Mes parents sont tous les deux très loin de ce domaine : ma mère est architecte et mon père pharmacien. Ils aiment bien lire comme toute leur génération, mais c’est juste une occupation pour eux, ça s’arrête la. Ils n’ont pas cette passion que j’ai pour la littérature donc n’y accordent aucune importance. Ils pensent que c’est juste une phase mais cet amour des livres baigne en moi depuis mon plus jeune âge. Depuis des années, je rêve de Paris, de ses petits cafés remplis d’intellectuels, de philosophes, de penseurs, de pouvoir côtoyer tout ce monde !
-Tu idéalises trop ! Ce n’est pas tellement rempli d’intellectuels ! On en rencontre de temps en temps, c’est vrai, mais de moins en moins aujourd’hui. Par contre, dans les années 50-60, d’après mon père, ils étaient partout. Moi, je n’étais pas encore née…
-Oui, c’est surtout le Paris des années 60 que j’aurais aimé connaître. Mais c’est toujours une capitale littéraire ! J’aimerais tellement avoir l’occasion d’y aller ! »
La conversation continua ainsi pendant quelques minutes, puis dériva vers nos centres d’intérêts respectifs. Moi qui avais tant de mal à faire confiance aux gens, je m’ouvris à elle avec une facilité déconcertante. Elle dégageait quelque chose qui me mettait à l’aise, quelque chose que je n’avais jamais ressenti chez personne auparavant. J’avais toujours été d’un naturel méfiant et distant, mais avec elle, j’étais une autre personne, je ne me reconnaissais même plus. Nous passâmes deux heures à discuter ainsi, à dix-sept heures, elle dut s’en aller. Elle me donna son numéro de téléphone, je lui donnai le mien et nous décidâmes de nous revoir au courant de la semaine suivante, elle me contacterait pour confirmer. Une fois qu’elle fut partie, j’appelai mon père pour le prévenir que j’étais prête à partir quand il le voulait puis j’allai le retrouver pour rentrer.
            Une fois rentrée, je fis un bilan de mon après-midi passé avec Sophie. J’étais heureuse, heureuse comme je ne l’avais jamais été. Je trépignais d’impatience à l’idée de la revoir et pourtant, chez moi, je ne laissais rien paraître de ce bonheur qui occupait mon esprit jour et nuit. Alors qu’à l’intérieur de moi-même je me sentais complètement différente, mes parents ignoraient tout de cette rencontre qui avait donné un sens nouveau à ma vie. Je passai mon dimanche à bouquiner et à méditer dans ma chambre et ne sortis que malgré moi parce que nous devions aller déjeuner avec mes tantes et leurs enfants, comme tous les dimanches. Je ne fis rien de plus le lundi, à part peut-être quelques exercices de math et ainsi de suite jusqu’au jeudi.
            Ce jeudi-là donc, en début d’après-midi, j’étais installée devant mon ordinateur lorsque mon téléphone se mit à sonner. Je me précipitai pour répondre, comme je l’avais fait toutes les autres fois où il avait sonné cette semaine-là. En le prenant, je lus le numéro sur l’écran et mon cœur se mit à battre à une vitesse inimaginable quand je vis s’afficher le nom de Sophie. J’essayai de me calmer en vitesse et répondis en faisant tout pour paraître détendue. Nous nous mîmes d’accord pour déjeuner ensemble le lendemain dans un petit restaurant près de chez moi.
            Notre déjeuner se passa merveilleusement bien, tout comme s’était passée notre rencontre précédente et nous décidâmes de nous revoir régulièrement. Nous nous retrouvions ainsi toutes les semaines ou toutes les deux semaines. Au fil de ces rendez-vous, nous nous rapprochions de plus en plus. J’adorais me confier à elle qui m’écoutait et me conseillait toujours. Bientôt, elle savait tout de moi et je savais tout d’elle. Chacune de nous étant fille unique, nous faisions office de sœurs l’une pour l’autre. Sophie avait apporté dans ma vie un bonheur que je n’avais jamais connu auparavant. Avec elle, je pouvais enfin être moi-même sans être sans arrêt critiquée, sans que personne ne conteste mes choix. Je me sentais bien dans ma peau et reprenais confiance en moi. Au lycée, mes professeurs s’étonnaient de me voir de plus en plus prendre la parole en cours et m’affirmer dans la classe, ce qu’ils me suppliaient de faire depuis de nombreuses années. A la maison, ma mère s’étonnait de me voir beaucoup moins obnubilée par mes livres et mon père s’étonnait de me voir lui raconter mes journées sans qu’il n’ait besoin de me poser aucune question. J’avais changé et ça se voyait, mais tout le monde ignorait la raison de ce changement. Sophie avait une influence énorme sur moi, sur ma vision du monde, sur ma façon de penser. J’étais d’habitude très têtue, mais avec elle, c’était différent, elle était la seule personne au monde capable de me faire changer d’avis. C’était vers elle que je me tournais dès que j’avais besoin d’un conseil. Elle avait réussi à me convaincre que la vie culturelle de ma ville n’était pas aussi morte que je ne le croyais en m’emmenant voir des pièces de théâtre, des expositions, des festivals…  
            Un an était passé depuis notre première rencontre lorsqu’elle m’annonça cette nouvelle si inattendue. Nous étions seules chez moi à parler de tout et de rien comme à notre habitude. Sophie ne laissait rien paraître, que ce soit dans ses paroles ou dans son comportement. Je ne me doutais de rien et elle ne prit même pas la peine de me préparer au choc qui m’attendait. Elle me dit, le plus naturellement du monde : « Nagham, je retourne en France. ». Je ne la crus pas. Je ne voulais pas la croire. Je la regardais avec des yeux de merlan-frit, incapable de prononcer un mot pendant quelques minutes ou quelques secondes. Finalement, croyant à une blague, ou essayant de me convaincre que c’en était une, j’éclatai de ce rire qu’elle trouvait si communicatif. Elle ne rit pas. Je compris alors qu’elle ne blaguait pas, qu’elle retournait vraiment en France. Je la fixais incrédule, incapable de prononcer la moindre parole. Enfin, je trouvai la force de lui dire : « Tu ne peux pas. ». Elle crut à son tour à une blague. J’insistai : « Tu ne peux pas me laisser seule, Sophie ! 
-Tu n’es pas seule ! Toute ta vie est ici !
-J’ai besoin de toi !
-Tu n’as besoin de personne, tu es la personne la plus forte que je connaisse.
-Tu vas horriblement me manquer.
-Je pars le 19, dans deux semaines. Je dois rentrer maintenant, je t’appellerai. »
            Elle m’appela plusieurs fois mais j’ignorai tous ses appels. Je ne voulais ni la voir ni l’entendre, je ne me sentais pas le courage de me retrouver face à elle en sachant qu’elle allait partir. Je passai la semaine à broyer du noir en pensant à tous les moments merveilleux que j’avais passés avec elle. Elle était ma meilleure amie, la seule personne avec laquelle je me sentais vraiment bien et elle ne pouvait pas partir comme ça. Après plus d’une semaine passée à ressasser mes idées noires, je décidai que je devais revoir Sophie une dernière fois. Je lui téléphonai donc et m’excusai de ne pas avoir répondu à ses appels les jours précédents. Nous décidâmes de nous voir le lendemain, le jour de son départ, chez moi.
            Lorsqu’elle arriva, je l’accueillis comme si de rien n’était et nous nous installâmes au salon dans un silence de mort. Je n’étais pas d’humeur à faire la conversation, ni à Sophie ni à qui que ce soit. Après quelques minutes de silence, elle me dit : «Nagham, je suis vraiment désolée de partir comme ça… » et elle m’expliqua que son père était gravement malade depuis quelques temps et qu’elle devait être à ses côtés. Je m’en voulais horriblement d’avoir été si égoïste, de n’avoir pensé qu’à moi-même durant tout ce temps : Comment est-ce que j’allais survivre, MOI, sans elle ? Pourquoi ne voulait-elle pas rester avec MOI ? Avais-JE fait quelque chose de mal pour la pousser à partir ? Pas une seconde je n’avais pensé que Sophie avait peut-être de bonnes raisons de partir, qu’elle avait une famille là-bas, que d’autres avaient peut-être besoin d’elle autant, ou même plus, que moi. Pas une seconde je n’avais pensé que toute sa vie était et avait toujours été  là-bas…
            Je la serrai dans mes bras en lui soufflant : « Pars, je me débrouillerai… » . Elle m’embrassa et, en se dirigeant vers la porte, m’adressa ses dernières paroles : « Bientôt, je reviens te chercher… ».

[...] Ce soir-là, à table, je racontai à mes parents que j’avais rencontré une femme particulièrement intéressante. Ce n’est qu’au moment où je vis une expression de mécontentement se dessiner sur le visage de ma mère que je réalisai que j’avais commis une erreur que je ne me pardonnerai jamais. A peine avais-je ouvert la bouche qu’elle avait compris que je n’étais pas allée aider un camarade, comme je l’avais prétexté, mais bien trainer au salon du livre. Elle n’avait rien contre le salon, loin de là, c’était même un événement qu’elle trouvait très bénéfique. Ce qui la dérangeait plutôt, c’était le fait que j’y passe tout mon temps libre. Ma mère aimait bien la littérature, tout comme mon père, c’était d’ailleurs eux qui m’avaient transmis cet amour. Ce qu’elle ne comprenait pas, c’était que ce soit pour moi plus qu’une passion et que je veuille y consacrer ma vie. Comme j’étais très douée pour la chimie et les math, elle considérait que je devais faire des études scientifiques « lourdes » et aspirait à me voir devenir ingénieur ou médecin. Malheureusement pour elle, j’étais bien décidée à m’engager dans les lettres, et c’était loin des ambitions qu’elle avait pour moi. Mon père ne disait rien et ça m’arrangeait. Je savais bien qu’il aurait préféré que j’eusse choisi la voie scientifique, mais il n’essayait pas pour autant de me dissuader de faire ce qui me plaisait. Ma mère me lança donc un regard extrêmement désapprobateur et s’apprêtait à me sermonner quand il intervint en me demandant : « Et qui est donc cette personne si intéressante ?
- Un écrivain, Sophie Lux, je l’ai rencontrée au salon du livre cet après-midi. Elle m’a dédicacé son roman, que je viens de commencer, magnifique. On a parlé pendant un moment, elle est vraiment adorable ! »
Mon père sourit, il était content de me voir, pour une fois, entrer en contact avec quelqu’un, même si cette personne avait le double de mon âge. Ma mère, au contraire, n’avait pas l’air si enthousiaste mais au moins, elle n’avait pas fait de remarque désagréable. Nous finassâmes de manger en silence et je retournai dans ma chambre. J’ouvris le livre pour relire la dédicace, elle avait écrit : « A Nagham, ça m’a fait très plaisir de faire ta connaissance aujourd’hui. A bientôt j’espère. Affectueusement, Sophie. ». Je remarquai alors qu’elle avait rajouté, en dessous de sa signature, une adresse e-mail qui, supposai-je, était la sienne. Je jubilais. Je ne savais presque rien de cette femme, et pourtant, je ne m’étais jamais sentie aussi proche de qui que ce soit de ma vie. Je n’avais qu’une envie : la revoir au plus vite.
Je passai la majeure partie de mon vendredi plongée dans son roman, qui me passionnait. Une fois que je l’eus terminé, je décidai de lui envoyer un message pour la remercier, d’abord pour le très bon moment qu’elle m’avait fait passé la veille et, ensuite, pour le plaisir que m’avait procuré la lecture de son livre. Je dus réécrire mon message au moins une dizaine de fois pour arriver enfin à un résultat que je jugeai susceptible d’être envoyé :
Bonjour, c’est Nagham. Je tenais à vous remercier pour le moment que nous avons passé ensemble hier au salon, ça m’a vraiment fait plaisir de vous connaitre et d’avoir pu vous parler. Merci également pour ce magnifique roman que j’ai dévoré en un temps record. J’aimerais beaucoup avoir la possibilité de vous revoir.
Nagham.
            Une fois le mail envoyé, je m’attelai à mes devoirs sans grande conviction. Je n’y voyais qu’une manière de passer le temps en attendant une réponse de Sophie. Bien entendu, je n’étais aucunement concentrée sur mes innombrables exercices de math et mon esprit vagabondait dans mon monde imaginaire. Dans mon univers, Sophie était déjà comme une grande sœur pour moi, elle me conseillait et me guidait dans mes choix, je lui disais tout et elle ne me cachait rien. Après avoir tenté, en vain, pendant une bonne demi heure de résoudre ces problèmes, je laissai tomber et retournai à mon ordinateur tout en sachant que c’était impossible qu’elle m’ait déjà répondu.  Ma boite de réception était vide et, malgré l’évidence, je fus tout de même déçue.  Je pris alors un livre au hasard sur la pile qui attendait sur ma bibliothèque et me mis à bouquiner. En début de soirée, ne tenant plus en place, je suppliai ma mère de me conduire au salon du livre, à mon grand étonnement, elle accepta sans aucune remarque.
            Au salon, je cherchai avidement Sophie, sans succès. Je finis par acheter quelques livres et rentrer chez moi, déçue. Je passai la soirée plongée dans un roman sans grand intérêt pour oublier cette impatience qui me faisait bouillonner et finis par m’endormir enfin aux alentours de deux heures du matin. Samedi matin, la première chose que je fis en ouvrant les yeux en milieu de matinée, fut d’allumer mon ordinateur pour vérifier si elle m’avait répondu.  Je trouvai dans ma boite de réception, deux messages d’une camarade de classe qui m’importaient peu et un troisième d’un « destinateur inconnu ». Mon cœur martelait ma poitrine alors que j’ouvrais le message. Après une attente interminable due à des problèmes de connexion, le texte s’afficha enfin sur mon écran. Je lus :
Chère Nagham, tu n’imagines pas combien ton message m’a fait plaisir. Moi aussi, j’ai été très heureuse de faire ta connaissance. Je pensais aller au Salon du livre cet après-midi aux alentours de seize heures, nous pourrions nous retrouver là-bas, qu’en penses-tu ?
Bises, Sophie.
            Mon cœur fit un bond lorsque je lus la dernière phrase. Elle voulait me revoir, elle voulait que je la retrouve au Salon le jour-même ! Je lui répondis sans attendre que je serais au rendez-vous et que l’on pourrait se retrouver à la cafeteria. Je savais que ma mère allait râler si je lui demandais de m’accompagner, elle me dirait : « Nagham, tu y es déjà allée deux fois, tu ne crois pas que ça suffit ? ». C’est alors que je me rappelai qu’on était samedi et que mon père ne travaillait pas ce jour-là. Je courus donc le trouver pour lui demander s’il était d’accord pour me déposer au Salon. Il accepta et nous décidâmes de partir après déjeuner.  A quatorze heures, ma mère nous appela pour déjeuner, à quinze heures, nous avions fini, à quinze heure dix minutes, mon père démarrait la voiture. [...]

Nouvelle écrite dans le cadre du Prix du jeune écrivain de langue française 2012
Naï

"Comme il existe des coups de foudre en amour, il y a quelques fois des coups de foudre en amitié."
Guillaume Musso
J’étais dans ma chambre, en ce jeudi gris d’octobre, je pensais à cette vie monotone qu’était la mienne, à tous les changements que j’aurais aimé y apporter. Je pensais à cette pile de livre, ces quarante-deux livres qui attendaient d’être lus, sur ma bibliothèque, ces livres, mes seuls amis, mon unique raison d’exister. Je n’avais jamais été très sociable, et pourtant j’étais très ouverte sur le monde extérieur, je voyageais beaucoup et l’un de mes plus grands plaisirs était de découvrir de nouveaux lieux et de rencontrer de nouvelles personnes. Mais tout ça, c’était dans les livres. En réalité, je n’avais jamais dépassé les frontières de mon pays, le Liban, et les gens qu’on y rencontrait étaient tous les mêmes: inintéressants.
Quand j’étais enfant, mon père m’avait donné un vieil exemplaire du Petit Nicolas dont les personnages étaient devenus mes meilleurs amis et m’avaient suivie jusqu'à l’adolescence. Je partageais les gouters d’Alceste, Rufus me prêtait son sifflet à roulette, Clotaire m’apprenait à faire du vélo, Geoffroy me laissait jouer avec les cadeaux que son père lui offrait, je demandais de l’aide à Agnan pour mes devoirs. Mais celui que je préférais était Nicolas. Il était mon meilleur ami, mon confident, et, bien que ses copains et lui n’acceptent généralement pas de filles dans leur bande, ils m’avaient acceptée parce que « je n’étais pas une pleurnicheuse comme toutes les autres filles ». Mais bien sur, tout ça, c’était dans ma tête…
J’étais donc dans ma chambre ce jour-là, à méditer sur mon passé et à réfléchir à mon avenir. Cet avenir qui se faisait attendre, ma dernière année de lycée, mes études universitaires, ma liberté qui arriverait enfin au moment où j’aurais mon BAC et mon permis de conduire. Cet avenir, si attirant, où je ferais des études de lettres, où je m’évaderais de cette petite ville à la vie culturelle presque morte.
J’étais perdue dans mes pensées quand ma mère débarqua dans ma chambre en criant : « Nagham ! Regarde qui est venu te rendre visite ! » J’aperçus alors derrière elle ma cousine Léa dont je n’appréciais pas particulièrement la compagnie. Je cherchais une excuse pour échapper à ma cousine lorsque je me rappelai que le salon du livre avait commencé la veille et que je n’y avais pas encore mis les pieds, ce qui, pour moi, était un exploit ! Je décidai donc de prétexter un rendez-vous afin de pouvoir me rendre au salon. Je pris un air désolé et dis à ma cousine, en défiant ma mère du regard: « Oh quelle bonne surprise ! Salut Léa ! J’étais sur le point de partir pour un rendez-vous très important. C’est dommage, j’aurais aimé passer du temps avec toi ! Mais ce n’est que partie remise ! » et sortis de ma chambre en vitesse, sans laisser à ma mère le temps de réagir. J’étais déjà sur le palier quand elle me rattrapa et me réprimanda pour le comportement et l’impolitesse dont je faisais preuve à l’égard de ma cousine. J’insistai sur le fait que j’avais promis à un camarade de classe de l’aider à réviser, que ça n’allait pas être un plaisir et que j’aurais cent fois préféré rester chez moi avec Léa, ce qui, bien entendu, était loin de la vérité. Dès que ma mère eut refermé la porte, je sortis mon téléphone afin d’appeler un taxi. En effet, c’était le moyen le plus sûr de se déplacer dans ce pays instable pour une personne non motorisée. Je descendis ensuite l’attendre au bas de l’immeuble. Quelques minutes plus tard, je m’engouffrai dans la voiture qui démarra aussitôt.
Le salon du livre avait toujours été pour moi un événement particulièrement important. Chaque année, je l’attendais religieusement comme d’autres attendaient Noël ou leur anniversaire. Pour moi, c’était le salon. J’aimais me retrouver dans ce grand bâtiment rempli de livres, me promener entre les étagères pleines à craquer, assister à des conférences et des débats, rencontrer des auteurs… C’était ma vision du paradis. Malheureusement, il y avait souvent au salon une grande concentration d’incultes et d’ignorants qui n’y attribuaient qu’une fonction de « show-off » et en profitaient pour s’adonner à leur activité préférée : prétendre d’être cultivés.  Je méprisais ces gens-là mais, après tout, comment leur en vouloir ? La culture c’est comme le beurre, dit-on, moins on en a, plus on l’étale.
 Au bout d’un moment, le taxi s’arrêta devant le salon, me tirant ainsi de ma rêverie. Je réglai la course et entrai dans le bâtiment, retrouvant ce confort familier qui s’emparait de moi dès qu’il était question de livres. A l’entrée, une hôtesse me tendit un exemplaire du programme que je feuilletai dans le but de trouver une conférence intéressante. J’en trouvai une sur les utopies à travers les siècles qui commençait à l’instant et décidai d’y assister. Elle était animée par une certaine Sophie Lux, auteur du roman Demain, qu’elle signerait après la conférence. Lorsque j’entrai dans la salle, il y régnait une atmosphère apaisante. L’intervenante était une jeune femme d’une trentaine d’années à peu près. Elle se tenait debout, très droite, sur l’estrade. Son attitude dégageait une certaine confiance qui me fascina à peine eussè-je posé les yeux sur elle. La conférence commença. Dès les premiers mots, je fus envoûtée par les paroles de la jeune femme et cette sensation ne me quitta pas jusqu'à ce qu’elle eut fini son exposé. Je sortis alors de la salle et me précipitai vers l’endroit où devait avoir lieu la signature de son livre pour avoir une chance de lui parler directement. Quelques personnes m’avaient devancée, aussi je dus faire la queue pendant quelques minutes qui me semblèrent durer une éternité. Lorsque mon tour arriva enfin, je m’avançai vers elle et lui dis : « Votre conférence était magnifique, je voulais juste vous faire savoir que vous êtes mon idole. Merci ! ». Elle me sourit chaleureusement, prit un des livres de la pile posée sur la table à laquelle elle était assise, l’ouvrit à la première page et me demanda à qui elle devait adresser sa dédicace. Je lui révélai mon prénom. Elle écrivit quelques mots et, comme il n’y avait pas beaucoup de monde, elle se permit de me faire la conversation. Elle me demanda mon âge et, quand je lui dis que j’avais dix-sept ans, elle me dit que j’en donnais plus. Elle me questionna également sur ce que je voulais faire plus tard, je lui répondis que j’avais l’intention de faire des études de lettres dans le but de devenir professeur pour tenter de transmettre ma passion de la littérature aux autres. J’appris ainsi qu’elle avait vécu toute sa vie à Paris et que, son père étant éditeur, elle baignait depuis sa plus tendre enfance dans le monde littéraire. Notre conversation dura quelques minutes, jusqu'à ce que je me rende compte que j’aurais dû déjà être chez moi. Je pris le livre, la remerciant du fond du cœur, et m’en allai en vitesse, très heureuse de cette rencontre. [...]

Sujet : Choisissez un mythe ou un grand héros littéraire que vous connaissez bien et rédigez un dialogue théâtral à deux ou trois personnages qui désacralise le héros choisi. Celui-ci participera au dialogue ou sera évoqué par les autres personnages.
Naï

Personnages :
NARCISSE (épris de lui-même)
UNE JEUNE FEMME (éprise de Narcisse)
LA GAZELLE (acolyte de Narcisse)

La scène est entourée de miroirs de tous côtés, places comme les murs d’une pièce. Entre les miroirs, se trouve une chambre et Narcisse, debout seul au milieu de la scène.

NARCISSE : Ah ! Quelle beauté ! Quelle pureté ! Quelle jeunesse ! Quelle perfection ! Admirez cette peau lisse et dorée, ces yeux clairs débordant de lumière, ce nez aquilin, ces lèvres rouges, pleines, charnues. Voyez cette chevelure blonde, lisse et soyeuse comme de la soie, ces pectoraux, ces biceps gonflées. Regardez ces bras puissants, ces jambes musclées et ce buste, oh ! Ce buste ! Existe-t-il, je me le demande, une plante, une personne, un animal en ce monde plus beau que Narcisse ? Narcisse, si la perfection avait un visage, ce serait sans nul doute le tien.

La gazelle entre

LA GAZELLE : Narcisse ! Je reçus à l’instant une nouvelle dévastatrice et invraisemblable. Un bruit court, un bruit horrible, aberrant, bruit…oh Narcisse, je e peux me résoudre à vous le révéler !
NARCISSE, impatient : Parle !
LA GAZELLE, dévastée : Il existe, dit-on, une fleur plus belle que vous, Narcisse !
NARCISSE, incrédule : Impossible ! Cela est impossible ! Cela ne peut être vrai ! M’entends-tu Gazelle ? C’est impossible, inimaginable !
LA GAZELLE : C’est ce qui se dit pourtant…Ah c’est horrible, c’est horrible ! Que faire ?
NARCISSE : Je trouverai cette fleur et l’éliminerai ! Je vais de ce pas organiser mon voyage. Je la trouverai, je la trouverai ! Gazelle ! Vas vite préparer des victuailles et retrouve-moi dans la porscherie. Nous prendrons la Porsche jaune pour éblouir tout le monde sur notre passage.
LA GAZELLE, docile : Oui Narcisse.

Narcisse et la gazelle parcourent le monde dans la Porsche jaune pendant quelque temps. Lorsqu’ils reviennent sur scène, le décor a changé. Nous sommes maintenant au bord d’un lac avec une flore splendide.

NARCISSE : Gazelle, regarde toutes ces fleurs et dis-moi s’il y en a une seule qui soit plus belle que moi, Narcisse.

La gazelle fait un tour et regarde chaque fleur avec attention, puis revient vers Narcisse.

LA GAZELLE : Beau Narcisse, de toutes ces fleurs, chacune plus belle que l’autre, il n’en existe aucune qui soit aussi belle et aussi complète que la plus suprême des fleurs : vous.
NARCISSE : C’était évident.

Une jeune femme apparait entre les fleurs et reste sans voix face à la beauté de Narcisse.

NARCISSE : Ah, qui es-tu ?
LA JEUNE FEMME : …
NARCISSE : Réponds donc à Narcisse !
LA GAZELLE : Vous le voyez bien Narcisse, c’est une jeune femme.
NARCISSE : Une jeune femme ? Soit.
LA JEUNE FEMME, ayant un peu retrouvé ses esprits : Vous…vous êtes si…beau !
NARCISSE : J’en suis conscient. Je suis Narcisse et il n’existe rien au monde qui soit à la hauteur de ma beauté.
LA JEUNE FEMME : Narcisse…
NARCISSE : C’est moi.
LA GAZELLE : C’est lui.
NARCISSE : Jeune femme, regarde toutes ces fleurs et dis-moi s’il y en a une seule qui soit plus belle que moi, Narcisse.

La jeune femme reste sur place pendant quelques secondes puis obéit et revient vers Narcisse après avoir regardé chaque fleur. Elle en tient une.

LA JEUNE FEMME : Cette fleur…si belle…si pure…si blanche…
NARCISSE, rouge de colère : Je n’ai rien à envier à cette misérable fleur !
LA GAZELLE : Mais non, mais non…
LA JEUNE FEMME : Elle est pourtant si belle…
NARCISSE : Non ! Elle ne l’est pas ! Narcisse est beau, cette fleur est ordinaire.
LA JEUNE FEMME : Narcisse, je…je vous…
NARCISSE : Tu me quoi ?!
LA JEUNE FEMME : Je vous aime.
NARCISSE : C’est évident. Tout le monde aime Narcisse. Narcisse est beau, il est jeune, il est pur. Narcisse est parfait.
LA JEUNE FEMME : Narcisse, je vous aime !
NARCISSE : Je l’ai compris !
LA GAZELLE, bas à Narcisse : Je crois qu’elle veut dire qu’elle est amoureuse de vous…
NARCISSE : Amoureuse ?!
LA JEUNE FEMME : Narcisse, m’aimez-vous ?
NARCISSE : Non. Vous êtes moins belle que moi voyez-vous, et je ne puis aimer quelqu’un qui soit moins beau quoi moi.

Des larmes se mettent à couler sur le visage de la jeune femme, elles grossissent, grossissent, jusqu'à devenir une cascade.

LA JEUNE FEMME, en s’approchant de plus en plus de Narcisse : Je…vous…aime…

Une larme de la jeune femme touche Narcisse qui disparaît. Apparaît à sa place une fleur unique.

LA GAZELLE, émue : Narcisse ! Narcisse ! À la jeune femme : Vos larmes l’ont transformé en fleur ! Ah ! Jamais je n’ai vu de fleur si belle ! Le ciel, la mer, le Soleil, la nuit et la pluie se reflètent dans ses pétales. Narcisse était le plus beau des hommes, il est à présent la plus belle des fleurs.

Devoir de français : sujet : Dans le texte de Le Clézio (extrait de Désert), vous dresserez le portrait de la jeune Lalla telle que le Hartani la perçoit.
Naï

                Le Hartani la regarde, elle le fascine. Il pense qu’il pourrait la regarder indéfiniment, admirer sa beauté infinie. Elle est belle, de cette beauté sauvage qui ferait chavirer un cœur de pierre. Elle est belle, oui, si belle…
                Il la regarde, elle le fascine. Ses longues boucles, d’un noir d’ébène, retombent en cascade sur ses épaules. Décoiffées, indomptables, elles caressent ses hanches avec une délicatesse inattendue. Sous cette chevelure ensorcelante, un visage ovale, bien dessiné, parfait. Lalla est une œuvre d’art. Ses grands yeux noirs emplissent le Hartani, qui les regarde inlassablement, d’une admiration profonde. Ces belles amandes noires entourées de longs cils épais et charbonneux, ce regard profond, brillant d’intelligence et de malice, oui, il aimerait y plonger et s’y noyer pour ne jamais en ressortir. Son nez, droit, fin et au bout légèrement retroussé est entouré de deux pommettes hautes et rosées. Et, pour compléter ce visage angélique et démoniaque à la fois, des lèvres minces et rouges comme le sang. Toujours inexplicablement blessées et constamment souriantes, ces lèvres, plus que tout le reste, l’émerveillent. Ces lèvres, elles remuent sans arrêt et, bien qu’il ne puisse entendre la voix qui en sort, il arrive parfaitement à se l’imaginer. Une voix rauque et forte qui met tous ses sens en émoi. Sous ces lèvres, se cachent trente-deux petites perles dont la blancheur contraste avec le rouge éclatant des livres et le teint doré du visage.
                Il la regarde, elle le fascine. La tête délicatement posée sur son cou de gazelle, elle le regarde aussi. Et elle attend. Il l’admire : ses épaules fines, son dos droit, sa silhouette, grande, mince et élancée. Sa posture, très droite et distinguée, lui rappelle celle de certains oiseaux que l’on voit si souvent ici. Sa peau a la couleur du sable du désert, du Soleil, de l’or. Lalla est un bijou, un bijou extrêmement rare, unique au monde. Jamais le Hartani n’a vu de telle beauté. Cette fille a fait entrer le soleil dans sa vie.
                Il la fréquente déjà depuis un certain temps et commence à bien la connaître. Elle est profondément blessée, il le sait. Aux yeux de tous, Lalla passe pour l’adolescente la plus forte en ce monde, lui, il sait qu’elle ne l’est pas, que ce n’est qu’un masque. Son abandon, elle ne s’en est jamais remise. Elle est toujours de bonne humeur, souriante, on pourrait croire qu’elle est la fille la plus heureuse du monde. Elle ne l’est pas. Elle est perdue et vulnérable, en quête d’une identité qu’elle ne trouve pas. Tout cela, elle le lui a dit dans le langage spécial qu’elle a inventé pour qu’ils puissent communiquer. Ce langage, eux seuls le connaissent, il sort tout droit de l’imagination de la jeune fille. Elle, si intelligente, n’a eu aucun mal à trouver une façon de se faire comprendre du sourd-muet. Le maître d’école lui répète sans cesse que, si elle continue ses études, elle sera un jour « une grande femme ». Elle est vraiment intelligente. Mais elle ne veut pas, les études l’ennuient, il y a trop de règles à respecter, Lalla est une anarchiste. Elle voudrait être artiste pour n’en faire qu’a sa tête, et gare à celui qui essayera de lui dicter sa conduite. Par-dessus tout cela, elle est spontanée, vive et franche. Elle dit tout ce qu’elle pense sans y réfléchir et cela lui a souvent attiré des ennuis. Mais cela a peu d’importance : elle vit dans son propre monde et n’a de comptes à rendre à personne.
                Il la regarde, elle le fascine. Par son visage parfait, elle le fascine. Par sa personnalité exceptionnelle, elle le fascine. Mais surtout, elle le fascine par la façon dont elle le traite. Sa façon d’ignorer son handicap, de lui « parler », de se confier à lui. Sa façon de lui sourire, ses sourires complètement dépourvus de pitié. Sa façon de lui lancer des tapes amicales dans le dos alors que tout le monde s’apitoie sur « ce pauvre sourd-muet ». Sa façon de le traiter comme un être humain normal. Sa façon de ne pas lui montrer cette lueur de pitié qu’il perçoit dans le regard de quiconque pose les yeux sur lui. Oui, elle le fascine.
                Il sent chez elle une grande douceur, une extrême sensibilité, qu’elle camoufle maladroitement sous des airs d’adolescente révoltée contre le monde entier. Avec elle, il se sent vivant, fort, intouchable. La confiance qu’elle lui porte le touche jusqu’au plus profond de son cœur. Avec lui, Lalla a compris que parler est inutile, il comprend ce que ses yeux disent. Elle a compris aussi qu’elle ne peut pas cacher les blessures de son âme derrière un sourire : il n’est pas dupe. Elle s’ouvre alors à lui et lui révèle tout. Elle sait qu’elle peut lui faire confiance. Elle lui fait ressentir des choses qu’il n’a jamais ressenties auparavant.
                Lalla est belle et complexe ; mais avant tout, Lalla est une femme dans toute sa splendeur, avec ses qualités et des défauts, sa force et sa vulnérabilité, son sourire éclatant et ses blessures profondes, avec tous ses paradoxes, Lalla est une femme, et il l’aime.

Poème écrit avec Yasmine Habli en 2010, poussées par un élan d’ennui inhabituel.
Naï

AIMER! Tout est paroles! Souvent le cœur nous parle.
Ses propos m'exaspèrent et je le vois trahi,
Et je le sens souffrir, raconter son malheur,
Et par ses battements, exprimer sa douleur.

Cependant de ton nom, Françoise, ma Françoise,
S'exprime une passion aux allures bourgeoises.
Flamme de mon amour, crépitant dans mon cœur,
Aux soirées près du feu tu calmes ma douleur.

Rhododendrons cueillis, je te les offrirai,
Il seront ornements de tes cheveux coupés.

Amour que je te porte, atomes de ma vie
Électrons passionnels s'animent quand tu ris.

Nonobstant jalousie domine tes pensées,
Torture tu m'infliges après avoir dansé.

Couleur dans cette vie, tu as fait apparaitre
Un immense bonheur en moi tu as fait naitre.

Oiseau virevoltant dans les cieux flamboyants,
Tu as été pour moi, l'espace d'un instant,

Image chimérique, évocation lointaine,

Suspendue dans le temps, ... qu'une passion vaine!

Et lorsque je m'exprime, écrivant ces paroles,
J'entends dans mon esprit, le chant d'un rossignol!
**********
Ce merveilleux poème, d’une grande sensualité, qui, frôlant le ridicule, arrive à se frayer un chemin vers le modeste univers des poèmes d’amour, a été écrit par la grande et respectueuse Y.H devant laquelle Victor Hugo lui-même reste bouche-bée depuis sa mort, ainsi que par la merveilleuse et illustre femme de Lettres demoiselle N.S, dans l’espoir que l’écriture remplacera un jour Facebook.

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