Lalla

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Devoir de français : sujet : Dans le texte de Le Clézio (extrait de Désert), vous dresserez le portrait de la jeune Lalla telle que le Hartani la perçoit.
Naï

                Le Hartani la regarde, elle le fascine. Il pense qu’il pourrait la regarder indéfiniment, admirer sa beauté infinie. Elle est belle, de cette beauté sauvage qui ferait chavirer un cœur de pierre. Elle est belle, oui, si belle…
                Il la regarde, elle le fascine. Ses longues boucles, d’un noir d’ébène, retombent en cascade sur ses épaules. Décoiffées, indomptables, elles caressent ses hanches avec une délicatesse inattendue. Sous cette chevelure ensorcelante, un visage ovale, bien dessiné, parfait. Lalla est une œuvre d’art. Ses grands yeux noirs emplissent le Hartani, qui les regarde inlassablement, d’une admiration profonde. Ces belles amandes noires entourées de longs cils épais et charbonneux, ce regard profond, brillant d’intelligence et de malice, oui, il aimerait y plonger et s’y noyer pour ne jamais en ressortir. Son nez, droit, fin et au bout légèrement retroussé est entouré de deux pommettes hautes et rosées. Et, pour compléter ce visage angélique et démoniaque à la fois, des lèvres minces et rouges comme le sang. Toujours inexplicablement blessées et constamment souriantes, ces lèvres, plus que tout le reste, l’émerveillent. Ces lèvres, elles remuent sans arrêt et, bien qu’il ne puisse entendre la voix qui en sort, il arrive parfaitement à se l’imaginer. Une voix rauque et forte qui met tous ses sens en émoi. Sous ces lèvres, se cachent trente-deux petites perles dont la blancheur contraste avec le rouge éclatant des livres et le teint doré du visage.
                Il la regarde, elle le fascine. La tête délicatement posée sur son cou de gazelle, elle le regarde aussi. Et elle attend. Il l’admire : ses épaules fines, son dos droit, sa silhouette, grande, mince et élancée. Sa posture, très droite et distinguée, lui rappelle celle de certains oiseaux que l’on voit si souvent ici. Sa peau a la couleur du sable du désert, du Soleil, de l’or. Lalla est un bijou, un bijou extrêmement rare, unique au monde. Jamais le Hartani n’a vu de telle beauté. Cette fille a fait entrer le soleil dans sa vie.
                Il la fréquente déjà depuis un certain temps et commence à bien la connaître. Elle est profondément blessée, il le sait. Aux yeux de tous, Lalla passe pour l’adolescente la plus forte en ce monde, lui, il sait qu’elle ne l’est pas, que ce n’est qu’un masque. Son abandon, elle ne s’en est jamais remise. Elle est toujours de bonne humeur, souriante, on pourrait croire qu’elle est la fille la plus heureuse du monde. Elle ne l’est pas. Elle est perdue et vulnérable, en quête d’une identité qu’elle ne trouve pas. Tout cela, elle le lui a dit dans le langage spécial qu’elle a inventé pour qu’ils puissent communiquer. Ce langage, eux seuls le connaissent, il sort tout droit de l’imagination de la jeune fille. Elle, si intelligente, n’a eu aucun mal à trouver une façon de se faire comprendre du sourd-muet. Le maître d’école lui répète sans cesse que, si elle continue ses études, elle sera un jour « une grande femme ». Elle est vraiment intelligente. Mais elle ne veut pas, les études l’ennuient, il y a trop de règles à respecter, Lalla est une anarchiste. Elle voudrait être artiste pour n’en faire qu’a sa tête, et gare à celui qui essayera de lui dicter sa conduite. Par-dessus tout cela, elle est spontanée, vive et franche. Elle dit tout ce qu’elle pense sans y réfléchir et cela lui a souvent attiré des ennuis. Mais cela a peu d’importance : elle vit dans son propre monde et n’a de comptes à rendre à personne.
                Il la regarde, elle le fascine. Par son visage parfait, elle le fascine. Par sa personnalité exceptionnelle, elle le fascine. Mais surtout, elle le fascine par la façon dont elle le traite. Sa façon d’ignorer son handicap, de lui « parler », de se confier à lui. Sa façon de lui sourire, ses sourires complètement dépourvus de pitié. Sa façon de lui lancer des tapes amicales dans le dos alors que tout le monde s’apitoie sur « ce pauvre sourd-muet ». Sa façon de le traiter comme un être humain normal. Sa façon de ne pas lui montrer cette lueur de pitié qu’il perçoit dans le regard de quiconque pose les yeux sur lui. Oui, elle le fascine.
                Il sent chez elle une grande douceur, une extrême sensibilité, qu’elle camoufle maladroitement sous des airs d’adolescente révoltée contre le monde entier. Avec elle, il se sent vivant, fort, intouchable. La confiance qu’elle lui porte le touche jusqu’au plus profond de son cœur. Avec lui, Lalla a compris que parler est inutile, il comprend ce que ses yeux disent. Elle a compris aussi qu’elle ne peut pas cacher les blessures de son âme derrière un sourire : il n’est pas dupe. Elle s’ouvre alors à lui et lui révèle tout. Elle sait qu’elle peut lui faire confiance. Elle lui fait ressentir des choses qu’il n’a jamais ressenties auparavant.
                Lalla est belle et complexe ; mais avant tout, Lalla est une femme dans toute sa splendeur, avec ses qualités et des défauts, sa force et sa vulnérabilité, son sourire éclatant et ses blessures profondes, avec tous ses paradoxes, Lalla est une femme, et il l’aime.


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